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Article 2

La généalogie se transforma en science, avala l’histoire et devint la loi

Quand Amaiterai rentre de son périple sur l’océan à la recherche du « Dieu de sagesse », il dit : « Je suis la loi sur terre comme au ciel ». A sa demande, ses prêtres « Ara’ia » sculptent A’a, du nom « A’ana », une d’une des chefferies du Tui manua, citées par les traditions orales polynésiennes :
E parau no te tui Ari’i no ‘Avai’i mai,e tae mai Mairerua, e tae mai Aunui, e tae mai Te Mapua, e tae mai Ma’ara, e tae mai Tonoa’e, e tae mai Rurutu.

Les Ari’i venaient de ‘Avai’i, ils sont passés à Mairerua, Aunui, Te Mapua Ma’ara, Tonoa’e et Rurutu.

La mythologie se souvient de Maupiti, 1ère étape du long périple des « Te manu ura » :

Le prêtre orateur « Te maru’anu » édifie « Taura atua » (là où son tous nos dieux), avec une pierre d’angle de son marae de Savai. Il pratique le culte du « nu’unu’u-ao » (une armée de prêtres). Sa pierre sacrée se nomme « Te-upo’o-o-te-maru’anu » (la tête de Te-maru’anu). Il dit, il faut deux têtes pour diriger : le Ara’ia communique avec les dieux, le Ari’i exécute. Il brise la pierre et attend un signe des dieux. Deux nuages passent, l’un est rouge, les dieux, l’autre est blanc, les hommes.

Selon les prêtres « le seul remède aux guerres, faire des enfants mâles ». Jusqu’au milieu du 19° siècle, les Te’eu, prêtres du clan des Atia, nommés « Metua tapiri », étaient chargés de faire les enfants aux jeunes filles tandis que les garçons étaient à la guerre. Ainsi, quand John Williams, missionnaire anglais, ouvre la porte, dans le dos de A’a, il y découvre 24 petits personnages qu’il enlève un à un. Ils représenteraient la lignée des prêtres, depuis l’ancêtre A’a, en passant par Te-maru’anu de Maupiti, Taitorai qui déclenche les migrations de Raivavae vers Rurutu ou Paouri qui accompagne Amaiterai lors de son périple. Ce dernier reste gardien du « maro-ura » du clan à Raiatea. C’est Ruataito, son fils, qui le ramène à Rurutu, à l’époque du chef Taaroaiatua, qui déclare la guerre aux Tanetee à la mort d’Amaiterai. La lignée des prêtres du A’a tapu s’éteint quand Temarii donne le tiki à John Williams qui le ramène en Angleterre. Conservés dans le ventre proéminant de A’a, ces figurines montrent la fonction de procréateur des prêtres. D’ailleurs, de son sexe brisé, si certains accusent les prêtres choqués, les Rurutu ont leur version, la prophétie de Taatini. A la fin du 18° siècle, Taatini, chef des Uru ari’i, mène bataille contre ses ennemis. Fait prisonnier, avant d’être jeter dans la passe d’Avera, il dit à ses ennemis « le jour est à vous, la nuit est à moi, mes dieux me vengeront ». Par deux fois, la houle rejette son corps et celui de ses « aîto » sur le récif. Ils ont le sexe en érection, preuve de la colère des dieux. Les prêtres demandent de rendre le corps au fils Teauroa, ils refusent. Ainsi quand les épidémies débutent, à l’arrivée des occidentaux, Teauroa, rappelle la prophétie de son père Taatini. Le sexe de A’a aurait doncété coupé par les prêtres pour que leur dieu ne quitte pas l’île !

A’a, en langue austronésienne, c’est la transmission du titre de chef d’une génération à l’autre, uniquement par les hommes. « L’aîné des aînés », me traduisait Pare Walker, notre écrivaine locale.

Si les Polynésiens ne connaissaient pas l’écriture avant l’arrivée des Occidentaux, ils avaient bien d’autres moyens de transmettre leurs savoirs. A’a en est l’exemple : 24 personnages, la lignée des prêtres à l’intérieur du tiki, 30 autres personnages représentés en reliefs sur son corps.
Amaiterai était le 30ème de la lignée. Les prêtres devaient nommer chacune des figurines, racontant leur histoire. La remise du tiki aux missionnaires à rompu la transmission. Heureusement, à la fin du 19ème siècle, quelques « puta tupuna » écrit localement rappelle l’histoire.
William Epsom, poète anglais, raconte « La personne disséminée » décrite par Alfred Gell, sculpteur, anglais aussi, dans son livre « Art and Agency ».
Alain Barbadzan, sociologue français fait une description passionnante de A’a dans son ouvrage « La dépouille des dieux », tandis que Picasso, peintre mondialement connu, en possède une copie en bronze dans son atelier qui lui rendait son inspiration disait-il.
Anne Lavondès, archéologue, souhaite « qu’après tant de gloses, les Rurutu reçoivent une belle reproduction en trois dimensions du chef-d’œuvre de leurs ancêtres.
Mac Carty-Cooper, collectionneur américain, donne à Rurutu une copie qu’il possédait.
Même Walt Disney raconte qu’il a imaginé un certain nombre de ses personnages après avoir vu A’a dans une exposition « océania » à Londres.

C’est sans doute le MANA de A’a qui œuvre encore aujourd’hui !!!